Jacqueline DESARMENIEN vit et travaille à Paris et en Bourgogne.
jac.desarmenien@free.fr
EXPOSITIONS :
Depuis 1977, son travail a été présenté dans différentes expositions :
Personnelles : galerie Frégnac, Paris (1982-1984) ; Bogota, Colombie (1985) ; Institut Français de Barcelone (1993) ; 
Collectives : galerie de Seine, « Art Script », (présentation de Jean-Clarence Lambert), Paris (1980) ; Ecuries de Saint-Hugues, Cluny (1986) ; galerie Remarque, Trans-en-Provence (1985-1987) ; Bogota, Colombie (1985) ; Pécsi galeria, Pécs, Hongrie (1994) ; galerie Art 7, Sennecey le Grand (2013-2014-2015) ; Musée Singer-Polignac, Paris (2012-2016).





CHRONOLOGIE :
Après sa maîtrise sur Blaise Cendrars à la Sorbonne (T.B.), elle entre à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris et elle obtient, en 1977, son diplôme avec mention et le prix de la Fondation Rocheron. La même année, elle assiste la responsable de l’atelier de peinture du « service fermé pour hommes » de l’Hôpital Sainte Anne à Paris.
Elle illustre Henri Michaux, Antonin Artaud, (Les Lettres de Rodez, série de 12 dessins à l’encre de Chine en 1975).
En 1977, elle participe à l’Exposition Internationale des Femmes à Berlin, Schloss Charlottenburg, et en 1979 à « Dialogue », à l’Unesco, Paris.
Dans les années 1980, elle rencontre le peintre Slavko Kopac, conservateur de la Fondation Dubuffet qui suit et encourage vivement son travail.
Passionnée par les écrits de Paul Klee, elle rend visite à son fils Felix, à Berne, qui lui montre les œuvres de sa collection privée. Elle entreprend une réflexion sur le thème des alphabets pour retrouver le sens initial de la parole. Georges Perec lui rend visite pour voir son illustration aléatoire de La Vie mode d’emploi (exposée à la librairie Tschann), qui répond à la construction du roman. Une affinité se tisse autour de « l’alphabet ». Elle crée la maquette et réalise les illustrations de la revue Recherches, n° 36 (Libération, mars 1979), de la revue Chimères n° 4 en 1988 et des Actes de l’Association marocaine de Psychanalyse, en 2002.
En 1983, l’Etat acquiert une de ses peintures pour le FNAC, (Fonds National d’Art Contemporain), et en 1985, France-Culture lui consacre une émission « l’Atelier de Jacqueline Desarmenien ». Les Editions La Talvera lui commandent 66 peintures originales pour accompagner le recueil poétique Dançars dau Pofre de Felip Gardy, en 1985.
Dans les années 1990, elle est une des rares élèves à s’inscrire au département des langues d’Asie du Sud-Est, à l’Ecole des Langues Orientales pour étudier les dialectes tsiganes kalderash et lovari. Elle obtient son diplôme en 1991. Entre-temps, une amitié privilégiée s’est nouée avec une famille tsigane de Montreuil. En 2004, elle leur dédie un livre de bibliophilie, Romane Gilia, où elle réunit et traduit quelques chansons tsiganes, livre réalisé avec un graveur (Ed. Marcos).
Références :
"...La violence qui habite vos gouaches et qui va s’éclairant me touche, tout comme le mouvement interne : vibrations, saccades…" Bernard Noël

En marge de Jacqueline DESARMENIEN
A la hauteur du bras, quand il s'étend sur une table, on ne voit le monde que verticalement... Les yeux baissés, méditatifs, comme on lit un livre, on voit le monde comme la terre, du haut d'un avion. Dans l'espace de ce survol intime, on lit, on rêve, on écrit, on dessine, on peint à plat. Etrange concentration. Etrange claustration. Etrange plongée en soi-même. On y sonde les enfers, le paradis qu'on porte en soi. Jacqueline DESARMENIEN effectue cette plongée depuis plusieurs années, solitairement. Sur papier. Peignant, écrivant sur papier. Avec ce corps tendu, ramassé sur lui-même, qui s'écrit et se peint comme à travers la peau. A travers les poumons, l'estomac, le cœur, les intestins, le sexe. Par élans, par poussées, par insistances. Cela ne l'a jamais limitée à la situation d'une prisonnière. Comme si, de peindre ainsi, avait fait de Jacqueline DESARMENIEN une plongeuse sous-marine en liberté. Frôlant des choses, des animaux, des visages, des mondes. S'y inventant son propre monde. S'y mouvant avec de plus en plus de calme, d'aisance. Alors que cela avait (bien entendu) commencé par l'angoisse... Parce qu'après tout, il s'agissait d'envoyer des lettres d'amour invisibles à quelqu'un – à quelques-unes et à quelques-uns. Et de ne pas les rendre, ces lettres, du premier coup lisibles (risibles). D'y imposer, en même temps que les mots, les signes, le mystère, l'ambiguïté, la terreur inconnue du corps. D'un corps isolé dans l'espace - et qui cherche à communiquer avec d'autres corps. – A s'y mêler. – A s'y alarmer. – A s'y enchevêtrer. C'est ainsi que Jacqueline DESARMENIEN, procédant par coups de sonde successifs, a composé patiemment, morceau par morceau, les fenêtres d'un édifice qui n'est pas prêt de s'achever. On regarde ses peintures, comme à travers les petits carreaux des maisons hollandaises, les flammes imprévisibles de l'incendie qui ne cesse de couver sous la peau. On y observe les habitants particuliers de cette demeure, qui est la sienne, et dont elle cherche à nous faire connaître, lentement, les couloirs, les entrées, les chambres. Pour nous y créer notre place mentale, y faufiler notre propre regard. Parce que nous ne pourrons éviter d'y reconnaître nos propres démons, nos propres appétits, nos propres cris, nos propres insolences sous-jacentes. N'est-ce pas là le mystère principal de cette pénétration verticale en soi-même ? On y touche, en même temps que soi, les autres. Sans doute cela ne se produirait pas de manière aussi évidente, si Jacqueline DESARMENIEN ne savait se perdre en elle-même dans son propre labyrinthe. Qu'en sait-elle, en fait, de ce qu'elle peint ? Pas grand­ chose. Elle y assiste en première spectatrice, étonnée de voir revenir les figures découvertes une première fois, disparues, remplacées par d'autres. Elle s'y conforte, chaque fois qu'elles reviennent, avec plus de force, plus de distance aussi. Comme si elle s'habituait à jouer de l'imprévisible. Comme si elle faisait de l'inconnu, de l'insaisissable, son territoire de vie. Mais un territoire qui fuit sous les pieds. Qui se dérobe chaque fois qu'on s'y installe. Le langage commence là où la certitude se perd. La fatalité de l'improvisation est là. La fatalité du risque à recommencer chaque jour la même plongée dans le même vide. Pour y fendre le même corps, y désarticuler le même pantin, caché dans le corps. Avec l'agressivité apparente de celui qui se défend contre les incursions étrangères, et qui place des pièges sur les accès à sa propre demeure. Pour résister à toute pression. Pourtant, regardez : quelle douceur, aussi, dans ce feu, dans ces flamboiements obliques, qui partent comme un sous-bois, à travers les flèches de je ne sais quel combat. Une nouvelle espèce de somptuosité pare aujourd'hui le domaine décrié de l'intériorité : celle du vrai-pour-soi, du vivant-et-de-l'évident-pour-soi. N'est luxueuse, vraiment luxueuse que cette volonté obstinée à des choses tout intérieures, pas tout à fait avouables, et pourtant dites, montrées avec de plus en plus d'audace, et de franchise.
Jacqueline DESARMENIEN ne dissimule que ce qu'elle peint en apparence : « le cirque du ravissement » où elle s'invente le plaisir suprême de craindre un peu ce qu'elle désire le plus. On s'amusera, complice de son jeu, comme on l'a toujours fait avec ses propres rêves. Cela ne tirera pas à d'autres conséquences qu'une connaissance plus approfondie de ce qu'il y a d'indémêlablement féminin et masculin dans toute femme, dans tout homme. Jusqu'à y découvrir une autre image d'un désir commun à tous. Les hommes-peintres, dit-on, censurent les femmes, le féminin, comme les femmes-peintres (si l'on y regarde superficiellement) censurent le masculin. Je n'en crois rien. Il me suffit de voir les peintures sur papier de Jacqueline DESARMENIEN pour comprendre que la « guerre des sexes » n'aura jamais lieu La guerre commence en deçà du sexe, dans les soubassements de l'organique en train de se construire un corps. Elle commence avec le combat cellulaire, elle en est le principe. Chacun de nous se recrée sans autre corps, que le désir change à chaque instant d'aspect, de forme, de couleur. Dans l'espace de cet incessant combat présexuel, Jacqueline DESARMENIEN détecte déjà les éléments dispersés d'un langage. Elle y fait son lit. Elle s'y étend comme sur des tapis. Elle nous incite à penser que le manque de territoire est notre seul territoire commun, – le plus désirable de tous – puisqu'il nous rend libres, c'est-à-dire souverains d'un royaume qui, pour durer, ne doit jamais dire son nom.
Alain JOUFFROY
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